« Ne me secouez pas, je suis plein[e] de larmes »
- Habiba
- 6 juin 2019
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 juin 2019
C’est ainsi que les derniers mots du roman inachevé de Henri Calet résonnent en moi depuis plusieurs années maintenant.
C’est encore plus fort, que ces mots résonnent en mon corps tout entier, depuis que je suis en Chemin.
On m’a souvent reproché de trop pleurer, trop vite, trop facilement, beaucoup trop...
Je m’en suis voulu pendant de nombreuses années, et ai retenu trop de larmes qui méritaient d'être versées. Je me rattrape chaque jour, depuis que je marche, sur ce Chemin sacré... il ne s’est passé, effectivement, que très peu de jours où je ne me liquéfiais pas en route... à la merci de la nature, permanente et enveloppante, à celle à qui je n’ai pas encore osé hurler ma peine, mais à qui chaque jour, je fais offrande de mes perles de pluie salée.
Suis-je si triste pour pleurer ainsi ?
Oui.
La tristesse, la mélancolie, sont toutes deux des émotions que j’aime tout particulièrement. Je n’aime pas m’en remettre à elles sans cesse, mais j’ai besoin, pour évacuer toute ma souffrance intérieure, d’avoir le droit et la liberté, de laisser les sanglots me ravager, les larmes me défigurer et mon âme, à chaque goutte, s’alléger... Comme un jeune enfant, chaque crise de larmes, m'épuise, me nourrit, et m’apaise.
Les larmes me montent facilement au nez, telle une délicieuse moutarde, dont on a volontairement exagéré le dosage... Ma moutarde a un goût d’enfance, de souvenirs, de candeur, et de terribles souffrances cumulées au cours du temps.
La douleur me tort, et bien souvent, seule la marche longue ou la danse effrénée, la transe, peuvent me permettre d’exulter, de surpasser l’immense et irrésistible invasion de l’émotion...
Aujourd’hui les langues se délient, des personnes osent revendiquer leur originalité (au sens de tempérament ou comportement hors de la norme officielle), autour d’elles, ou suite à cette prise de conscience collective, des individus trouvent leur place dans le monde des communautés, et je trouve cela tout bonnement merveilleux ! Non je ne dénoncerai pas les « étiquettes » que beaucoup détestent, mais appliquent tout autant. Personnellement, je les considère comme utiles, pour qui doit les utiliser.
Ainsi, qu’elle ne fût pas ma joie de découvrir que de nombreuses personnes se revendiquaient et assumaient être des Hypersensibles ! Oh joie ! Rien que le titre me plaît, ça me rappelle ce que j’entends sans cesse depuis l’enfance : « tu es trop sensible, sois plus courageuse, ne te laisse pas envahir par tes émotions, etc. » nombre de personnes, proches ou moins proches, m’ont fait ce genre de remarques, et j’en souffrais beaucoup. Je souffrais de ne pas être assez courageuse, de ne pas être stoïque face à des situations où, submergée par les émotions, je constatais qu’autour de moi les autres, eux, ne bronchaient pas...
Puis, avec le temps, après avoir maintes fois tenté de rentrer dans Le moule, de différentes manières, et par différentes voies, je ne peux plus m’opposer à l’idée qu’il m’est tout simplement Impossible de me conformer à la société dans laquelle je vis.
Je tente de nombreuses fois de m’engager vers une voie qui, émotionnellement, semble me convenir, mais, très vite, la question du « qu’en dira-t-on » si violent et destructeur, me forçait à jongler avec des paramètres qui ne sont pas les miens. Mes émotions, ma sensibilité, j’ai appris à les aimer, grâce à l’Amour, ce grand Dieu qui peut Tout !
Cette hypersensibilité me rend « sauvage », solitaire et incomprise par mes pairs. Difficile pour moi de justifier les disparitions de longue durée, liées tout simplement, à une agoraphobie foudroyante, m’empêchant de sortir de chez moi ; parfois me rendant violente sans raison apparente, mais pourtant ruminée depuis bien trop longtemps...
J’ai choisi la solitude comme remède. L’attraction sociale, tout comme un beau repas au restaurant, ayant très peu d’attraits à mes yeux, le dépouillement quasi-total, l’écoute de soi et de l’environnement, l’attention portée à ma résonance dans l’écho du monde, tout cela je crois pouvoir le trouver dans la prière et sur le Chemin.
Je tiens à remercier, et à féliciter ici, toutes les personnes, qui ont su « dompter » ou tout du moins, aimer la Habiba sauvage. Ces personnes, très peu nombreuses (mais amplement suffisantes), auprès de qui je vais, ou me confie, plus ou moins facilement, mais avec qui, je sais que c’est possible. À vous tou•tes•s, je dis Merci !
Si je revendique, assume et parle aujourd’hui de cette hypersensibilité, c’est surtout parce que grâce à elle, il m’a été donné d’accéder à de merveilleux moments et sensations. Plénitude, joie, bonheur, amour... Toutes ces sensations sont bien plus intenses chez moi et chez les hypersensibles. Alors pour rien au monde je ne voudrais changer cette hypersensibilité. Seulement, j’apprends à la maîtriser, comme un pouvoir magique trop puissant par rapport à mes capacités... Je crois que c’est véritablement cela, pour moi, être adulte... Rien de plus. Et avec cette définition-là, nul besoin de vouloir rester un enfant ! Un enfant n’est pas libre, par définition, et moi j’aspire à la liberté et rejette violemment, toute forme d’aliénation, dès que j’en remarque une.
Alors, je vous en prie, « ne me secouez pas, je suis plein[e] de larmes »... j’entends par là, ce que j’ai su dire à trop peu de personnes, mais que désormais, j'espère, savoir dire à temps : la méthode forte ne fonctionne pas... Laissez-moi si je dois faire quelque chose avec laquelle vous n’etes pas d’accord, rien ne sert de me forcer (moi ni quiconque d’ailleurs !) et ne vous étonnez pas si, un rien m’ébranle et me fait pleurer... j’aime pleurer et j’en ressens le besoin. J’adore pleurer en priant, en dansant (la danse est une prière pour moi), en marchant, pleurer m’enthousiasme (au sens grec du mot !). Je ne saurais dire s’il s’agit du « don des larmes » (gratia lacrymarum) dont certains saints bénéficiaient, mais cet atout me comble.
Si toi aussi tu es hypersensible et que ça te pèse, n’hésite pas à m'écrire, je me ferai une joie de partager mon point de vue sur les choses de la vie à travers mes lunettes !
Être en Chemin, c’est pour moi, une manière d’apprendre qui je suis réellement, plutôt qu’au travers des autres.
Je ne peux que vous inciter à faire de même !
🙏🏽 Que la paix soit sur vous ✨
Voici le passage complet où se situe la citation, dont je fais mention, à la fin de Peau d'ours de Henri Calet : « C’est sur la peau de mon cœur que l’on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n’étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu’est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »
💙 ¡ Buen Camino ! 💙
Édit : Si vous voulez partager ce sentiment de mélancolie, je vous invite à découvrir ma playlist spéciale. J'ai tenté d'y rassembler l'ensemble des chansons et musiques qui me font pleurer, ou me faire sentir mélancolique ! Enjoy -> Cliquer ici
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